Les inégalités territoriales et le mal-logement
Depuis plusieurs décennies, le mouvement de décentralisation initié en France a doté les collectivités locales de responsabilités accrues et de moyens d’intervention nouveaux en matière d’habitat. Ce mouvement continue toutefois de susciter de multiples questions sur la répartition des compétences et des moyens entre État et collectivités, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du droit au logement pour les personnes aux revenus modestes ou en situation de précarité.
L’Acte 3 de la décentralisation portait en lui la promesse d’une meilleure convergence des compétences d’urbanisme, de logement et d’action sociale, notamment à travers la création des métropoles[1]. A la veille d’une nouvelle étape de la décentralisation, annoncée avec le projet de loi « 3D »[2], la Fondation Abbé Pierre s’interroge, à travers ses agences régionales, sur la manière dont est appréhendée la question du mal-logement à l’échelle locale, ainsi que sur les inégalités de traitement des mal-logés observables entre les territoires. Des leviers d’action existent et sont mobilisés, mais peuvent paraître parfois trop limités, notamment quand les élus et collectivités s’avèrent peu sensibilisés et faiblement outillés sur cette thématique. Cependant, des expériences vertueuses existent aussi, portées par des collectivités et/ou des associations qui permettent à des personnes sans logement, vivant en habitat indigne ou en difficulté pour accéder ou se maintenir dans leur logement, de trouver des solutions.
Face à ce constat d’inégalités de situations ou de moyens dans les territoires et d’hétérogénéité dans les réponses apportées aux mal-logés, la Direction de l’Animation Territoriale de la Fondation Abbé Pierre a souhaité partager ses interrogations avec des élus, des représentants d’Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ainsi qu’avec certains de leurs partenaires (bailleurs, opérateurs, associations…) dans le cadre d’un colloque organisé le 5 novembre 2019 à Lille.
Les échanges et débats de cette journée ont permis de mieux cerner la mobilisation des élus locaux et l’action des collectivités territoriales face au mal-logement, et de s’interroger sur la manière dont peuvent être améliorées les politiques publiques locales, en fonction des enjeux propres à chaque territoire. Le colloque a également permis, à quelques mois des élections municipales, de faire le point sur la sensibilité des élus locaux à la lutte contre le mal-logement, et de conforter celles et ceux qui souhaitent s’engager davantage dans ce sens.
En amont de ce colloque, une enquête de terrain a été conduite par FORS-Recherche sociale entre mars et juin 2019 dans 12 sites identifiés par les agences régionales de la Fondation. Une diversité d’acteurs a pu être rencontrée sur chaque site (élus, opérateurs, associations, techniciens), permettant de documenter de nombreuses thématiques et situations de mal-logement, et de croiser les analyses sur les réponses mises en œuvre dans les territoires. Les situations étudiées ont permis de recouvrir la typologie du mal-logement définie en cinq dimensions par la Fondation Abbé Pierre : l’absence de domicile personnel, les mauvaises conditions d’habitat, les difficultés pour accéder à un logement, pour s’y maintenir et les blocages de la mobilité résidentielle.
L’ensemble de ce travail a été prolongé par la rédaction d’un chapitre du rapport annuel sur « l’État du mal-logement en France » de la Fondation, présenté au public le 31 janvier 2020, intitulé « Le mal-logement à l’épreuve des municipales ». Les « actes » présentés ici reprennent l’ensemble des travaux qui ont fondé cette réflexion, à la fois à travers les propos et échanges recueillis lors de la journée du 5 novembre et à travers l’ensemble des matériaux recueillis lors des enquêtes de terrain, menées avec l’implication des agences de la Fondation aux côtés de leurs partenaires.
Didier Vanoni
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[1] Voir Fondation Abbé Pierre, « Mobiliser les collectivités territoriales contre le mal-logement » in Rapport annuel sur l’état du mal-logement, 2014.
[2] Projet de loi portant sur la décentralisation, déconcentration et différenciation.