L’action sociale face aux publics précaires « invisibles » (I)
L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion (ONPES) a pour principale mission de développer la connaissance des publics mal identifiés par l’action publique. De ce point de vue, l’invisibilité qui caractérise certains phénomènes de précarité et certaines catégories de population constitue un objet de recherche majeur pour l’ONPES.
Cette invisibilité s’explique en premier lieu par le fait que ces populations subissent un processus de marginalisation et d’exclusion sociale. Mais elle peut également s’expliquer par leur invisibilité statistique, politique et médiatique, ou par une prise en compte insuffisante ou biaisée de l’action publique.
Ainsi, les « invisibles » sont, d’une part, ceux qui sont mal identifiés par la statistique, du fait notamment de leur trop faible nombre ou de leur répartition territoriale incertaine. Les difficultés de l’outil statistique à saisir les populations les moins nombreuses ou aux marges des seuils communément observés, et le caractère parfois flou de certaines catégories statistiques, contribuent à susciter un décalage entre l’image de la pauvreté que laisse entrevoir la statistique et celle réellement vécue par les populations. Mais les invisibles, ce sont aussi ceux que le discours politique n’évoque pas ou ne prend pas suffisamment en compte. Ceux qui ne retiennent pas l’attention des médias, ou seulement à de rares occasions, lorsque leur révolte les propulse sur le devant de la scène. Il s’agit enfin de ceux qui se retrouvent aux marges de l’action publique ou qui ne rentrent pas dans les cadres établis ouvrant droit aux prestations.
Subie, l’invisibilité peut aussi résulter d’un choix volontaire de la part de ceux qui craignent d’être stigmatisés. Elle s’inscrit dès lors dans le cadre d’une stratégie de résistance face au regard porté par autrui.
Sociale ou sociétale, subie ou choisie, l’invisibilité est un phénomène complexe que l’ONPES se devait d’analyser. C’est pourquoi il a décidé d’engager un certain nombre de travaux, dont ceux réalisés par FORS-Recherche sociale, ceci afin de mieux documenter cette question et d’alimenter ainsi son prochain rapport annuel.
Ce rapport proposera une série de recommandations concernant une meilleure connaissance de ce phénomène et une possible évolution de l’action publique et de l’aide sociale.
Didier Gelot
Secrétaire général de l’ONPES.