Aux portes de la rue : les sortants de prison

Cela fait plusieurs années que les « sortants d’institution » sont régulièrement cités comme un public spécifique dans les différents documents et instances cadres de la politique du logement et de lutte contre la pauvreté.

Ils ont cependant rarement fait l’objet d’études plus approfondies, malgré l’ampleur de la représentation de ce public parmi les personnes mal-logées. Face à ces constats, la Fondation Abbé Pierre a choisi de traiter, dans son 24e rapport sur l’état du mal-logement en France, le sujet des ruptures de parcours subies par les sortants d’institutions. Après avoir traité en 2015 le sujet des ménages « aux portes du logement » (Recherche Sociale n°212), il s’agit ainsi aujourd’hui d’évoquer ceux qui se retrouvent au contraire « aux portes de la rue » après une prise en charge en institution.

FORS-Recherche Sociale a contribué à la réalisation de cette étude thématique qui constitue le premier chapitre du rapport de la Fondation Abbé Pierre en 2019. Trois publics en particulier ont été ciblés dans le cadre de cette étude : les sortants de détention, les sortants d’hôpitaux notamment psychiatriques et les sortants de la Protection de l’Enfance. (…) Les précédents numéros, Recherche Sociale n°227 et n°228, s’intéressaient respectivement aux publics sortant de l’aide sociale à l’enfance et de l’hôpital (et notamment des établissements psychiatriques). Ce numéro de Recherche Sociale, qui constitue le troisième et dernier volet de la série, traite de l’accès au logement des personnes sortant de détention.

En effet, la sortie de prison, plutôt que d’ouvrir la voie à une réinsertion sociale et professionnelle, peut constituer un moment de rupture pour les détenus les plus précaires, et notamment ceux qui ne disposent pas ou plus d’un logement. Un certain nombre de détenus passe ainsi de la prison à une situation d’errance, qui les ancre dans la précarité et augmente leur risque de récidive.

Pourquoi la sortie se passe-t-elle si mal ? A l’instar de ce que nous avons pu constater pour les publics de l’aide sociale à l’enfance et de l’hôpital, c’est le cloisonnement d’institutions qui fonctionnent « en vase clos » qui est en cause, ainsi que le manque d’articulation entre les différentes politiques publiques concernées. Dans le cas des sortants de détention, la coordination insuffisante entre les secteurs de la justice, de l’administration pénitentiaire et de l’action sociale aboutit à des sorties de prison peu préparées et mal accompagnées. Dans ce contexte, l’injonction à la réinsertion qui est formulée à l’égard des ex-détenus est rapidement caduque.

En analysant le profil des sortants de prison, l’impact du passage en détention sur leur parcours et les conditions de leur sortie, cette étude souhaite donner à voir les difficultés auxquelles se confrontent les anciens détenus et les processus de rupture et d’exclusion sociale que peut engendrer la sortie de prison. Au-delà de ce constat, nous avons cherché à comprendre et à qualifier les dysfonctionnements institutionnels qui expliquent les problèmes d’accès au logement que connaissent les sortants de détention. Enfin, nous avons souhaité mettre en avant des « bonnes pratiques » d’ores et déjà mises en œuvre sur certains territoires : ce sont autant de sources d’inspiration pour améliorer l’accompagnement et l’accès au logement des sortants de prison, qu’il est nécessaire de consolider et de faire essaimer.

Juliette Baronnet et Tiphaine Vanlemmens

FORS-Recherche sociale